Suite de l’épisode précédent…
Je retrouve le peloton de Baum et on continue de traverser les secteurs, au fil des pavés je ne choisis pas la bonne tactique, j’essaie de les suivre mais peine à doubler certains participants je perds alors le peloton…
Pas grave! Allez, je m’accroche, je lutte contre le vent, la pluie, puis le ciel semble se dégager, j’ôte ma veste et je pars direction la mythique trouée d’Arenberg. 2,4 Kilomètres avec 5 étoiles pour la difficulté, mais j’ai déjà mal aux jambes, je ressens de vives douleurs dans la jambe droite, les crampes me guettent, je bois afin de les faire disparaître. Il faut attaquer dans cette zone, je me reprends et j’y vais!
Sauf que je suis ralenti par des camping-cars, des piétons le long de la route, au loin, j’aperçois l’arche métallique légendaire à travers la forêt qui s’ouvre devant moi.
Ma vitesse n’est pas très importante et celle des participants autour de moi non plus à cause de ces voitures qui nous on ralentit quelques mètres avant. Je vois une camionnette de pompiers à droite, nouveau ralentissement: un homme à terre, la clavicule cassée, les secouristes sont là et prennent le blessé de guerre avec eux. Pour lui c’est la fin du challenge.
Je suis dans la trouée, j’essaie d’avancer du mieux que je peux, mais c’est une patinoire, je vois, en l’espace de 3 secondes, 4 personnes glisser, tomber et ne pas se relever. Les gens devant moi s’arrêtent et descendent de vélo. Je m’accroche à la barrière, et je fais de même, je n’ai pas envie de finir à l’hôpital comme ce malheureux. Je remonte quelques mètres la trouée sur le côté.
Les organisateurs nous hurlent dessus pour que l’on y retourne, c’est un champs de bataille, je tourne la tête à gauche,
et je vois ces gens couverts de boue qui ne se relèvent plus. C’est la guerre et les organisateurs ont alors l’allure de commandants sur les champs de batailles. En bon petit soldat, je retourne sur les pavés affronter ma peur, et j’attaque,
je parviens à me hisser en haut de la trouée, rien d’héroïque, de toute façon je ne suis pas là pour jouer les héros,
mais j’en ressors grandi, laissant ces cadavres derrière moi.
Plus que 18 secteurs pavés à traverser et le vent souffle de plus en plus fort.
Je m’accroche à un groupe pour souffler un peu et faire tourner les jambes, les crampes ont disparu, je retrouve une bonne allure sur le plat et mène rapidement un peloton que j’abandonnerai après le ravito. Les secteurs défilent et la difficulté de l’épreuve commence à se faire ressentir; les bras sont engourdis, je vois des mecs aller dans le fossé, glisser, même si le temps est plus clément niveau température, le vent, lui, ne cessera de me souffler au visage sur tous ces kilomètres.
Je croise alors mes compagnons de route du début, et nous continuons notre route, les kilomètres défilent, la cadence est soutenue, les secteurs pavés s’avalent sans problèmes comparés aux surprises du début, l’habitude et la confiance me gagne. On traverse Mons-en-Pévèle, et le peloton éclate encore une fois. Plus que 10 secteurs avant d’arriver au vélodrome.
Les 3 parcours se recoupent, les participants se mélangent, et les allures ne sont pas les mêmes, je vois des mecs rester sur les secteurs pavés en plein milieu allant à 10km/h avec leurs pneus à crampons de 32 sur leurs VTT tout suspendu. Alors je râle un peu, le plaisir n’est plus le même, j’attaque les pavés laissant derrière moi ces participants qui semblent s’être trompé de challenge. Je commence à subir la fatigue de la course mais les jambes sont là, elles ne m’abandonnent pas, le Genesis répond présent sur les pavés, les boyaux et les roues aussi, le tout est tellement confortable comparé à un carbone. J’évite une glissade, après le passage de tous ces participants avant moi en empruntant le côté de la chaussée celle-ci s’est transformée en une ligne de gadoue de la taille de pneus.
J’arrive au secteur 5, Camphin-en-Pévèle, il y a un virage 90° à gauche et le secteur commence, je mets le pied à terre une nouvelle fois pour enfiler ma veste, la pluie est battante, le vent souffle fort, je suis trempé, c’est le secteur avant le mythique Carrefour de L’Arbre,
« Souvent quand le premier est là-bas, c’est lui qui gagne la course, souvent… »
Je pense à cette phrase de ma vidéo préférée (que vous trouverez à la fin de cet article.) et me laisse porter par mon imagination, et revois Merckx, De Vlaeminck, Hinault, Moser, Bonnen attaquant dans ce secteur alors que je suis quasiment à bout de souffle, essayant de gérer au mieux ma vitesse pour ne pas finir la tête la première contre les pavés. Je traverse le secteur, plus que trois et ce sera la délivrance!
Quelle idée de faire ça… On pense être préparé et on ne l’est pas, je commence à me parler à moi même. M’encourageant, j’arrive aux abords de Roubaix, ce faux plat ou Cancellara lance ses attaques me semble interminable, la circulation est dense, je me serai cru l’espace d’un instant à Paris face à l’irrespect des automobilistes envers nous. Je tourne à droite, suis la flèche au sol indiquant « Coureurs » et le vélodrome m’accueille. Quelle claque, un participant se rabat sur moi pour se mettre sur l’azur, je tente de monter pour le dépasser par la droite comme en piste mais le peloton ne semble pas connaître les règles, tant pis, je reste derrière, ce serait bête de se vautrer avant la ligne d’arrivée !

« l’enfer du nord mène au paradis »
Je n’aurais pas dit mieux, quelle journée incroyable! Je ne suis pas au bout de mes surprises, j’engloutis une bière de récupération ouverte par mon amie Franziska car je suis incapable d’ouvrir la bouteille malgré l’ouverture facile. Impossible de serrer quoique ce soit dans mes mains. Mes bras sont engourdis, mes trapèzes complètement tendus pour le reste tout va bien. Le sourire aux lèvres je lui raconte la course. Un peu plus tard je retrouve Jonas qui est venu d’Oslo pour le Challenge; on discute un peu de cette folle journée, je le quitte pour aller me laver dans les douches mythiques du vélodrome. Plus tard, je retrouve ma chambre d’hôtel et me jette sur le menu proposé par le restaurant avant de sombrer dans les bras de Morphée.

Le lendemain, direction Camphin-en-Pévèle, ce même endroit ou la pluie battait les pavés est ce matin complètement métamorphosé sous ce ciel bleu. Je vais voir les pros passer par ces mêmes secteurs pavés mais dans des conditions plus clémentes, mais le vent est vif.
Comme hier, je retrouve le MCC de Rapha, salue l’équipe avec qui je vais passer la journée et regarder la course. Quelques cafés et un cornet de frites plus tard. Ça sent le barbecue ils arrivent, les bières se décapsulent, le monde commence à s’approcher du téléviseur, on apprend qu’un TGV à scindé le peloton en deux en 5 langues différentes. Puis le ton redevient normal, la caravane passe, et les gens s’agglutinent pour ramasser, journaux et autres paquets de bonbons gélatineux. Quand on entend arriver l’hélicoptère, la foule commence à se regrouper autour des pavés, des gens un peu alcoolisés sont à la limite de se faire renverser par les voitures des équipes qui foncent sur les pavés, mais ils décident de ne pas bouger d’un poil… Ce serait idiot de renverser les coureurs, je trouve ça tellement irrespectueux. Mais prévnus par les autorités, ils décident enfin de reculer et laisser place aux coureurs.
Les voilà les deux premiers échappés sont là ils foncent, moi qui pensais attaquer sur les pavés hier, je suis petits bras!
Le peloton les succèdent, Je vois rapidement Terpstra, Stybar dans la roue de Wiggo qui court sa dernière course avec les Sky, Grepeil, ils vont tellement vite et semblent à l’aise sur les pavés, certains sourient aux spectateurs qui immortalisent cet instant avec leurs smartphones. Pendant que d’autres font approximativement la même tête que moi hier.
La campagne est pleine, elle hurle, elle encourage, elle est devenue hystérique alors qu’elle était si calme 10 minutes avant, elle est remplie de drapeaux flamands, de camping cars, et de supporters, quelques instant après le passage de la course, elle retrouvera son calme initial, déserte, et paisible. L’heure de mon départ s’approchant, je salue mes amis et je repars pour la gare de Roubaix.
J’entre dans le hall pour attendre mon train mon oeil est attiré par une veste Orange qui me semble familière. Mais oui!
Je me retrouve face aux copains, François (Monsieur Eddy 73) et Foucauld qui reviennent de leur périple du mont Kemel!
Ils sont fatigués mais leurs sourires laissent transparaitre le bonheur et la beauté des routes qu’ils ont arpentés dans la journée. Je raconte brièvement mon Paris Roubaix tandis qu’eux me racontent le leur, plus détaillés ici.
François me fait rire car il combattra les pavés dans quelques semaines et je lui ai dépeint un véritable enfer. Nous immortalisons cette rencontre incroyable. Je monte dans mon TGV et je me dis que finalement, je le referai bien l’année prochaine ; je sais à quoi m’attendre désormais.
Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont accueilli, conseillé, soutenu et permis de réaliser ce rêve qui était de rouler sur les pavés du Nord. Merci je ressors de cette expérience, grandi.